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chot, et de le voir bien établi dans une bonne chambre. « On m’a délogé cette nuit », dit-il, « pour me faire céder ma place à la Reine ; parce que mon premier logement était le plus mauvais de la prison. »

Peu d’années auparavant, il avait perdu, dans un hiver, 300  000 francs au jeu de la Reine, à Versailles ; dans ce temps-là, Marie-Antoinette, brillante, enviée, eût regardé comme un visionnaire celui qui lui aurait montré la Conciergerie, en lui disant que ce serait son dernier asile. Mon grand-père, qui l’avait adorée comme toute la cour, ne pouvait penser sans attendrissement au sort de cette fille de Marie-Thérèse ; il s’oubliait lui-même en voyant les revers de fortune de cette femme, si fière avec les grands, si affable avec ses serviteurs ; et il ne pouvait s’étonner assez de la singularité de leur rencontre au pied de l’échafaud.

Durant le procès du général Custine, mon père avait écrit et fait imprimer une défense modérée, mais franche, de la conduite politique et militaire de son père. Cette défense, qu’il avait fait placarder sur les murs de Paris, fut inutile ; elle ne fit qu’attirer sur l’auteur la haine de Robespierre et du parti de la Montagne, déjà fort irrité contre lui à cause de ses liaisons avec tous les hommes généreux et raisonnables de ce temps-là. Dès lors sa perte fut jurée. Avant la fin du procès de son père, il fut mis en prison ; et quelques mois plus tard, il périt sur le même écha-