Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. de Ségur, alors ambassadeur de France en Prusse, avait déjà échoué dans cette négociation difficile. Mon père fut chargé de le remplacer.

Le roi Guillaume avait traité mal M. de Ségur, si mal qu’un jour celui-ci rentra chez lui exaspéré ; et croyant sa réputation d’homme habile à jamais compromise, il essaya de se tuer d’un coup de couteau ; la lame ne pénétra pas fort avant, mais M. de Ségur quitta la Prusse.

Cet événement mit en défaut la sagacité de toutes les têtes politiques de l’Europe ; rien ne put expliquer à cette époque l’extrême malveillance du roi pour un homme aussi distingué par sa naissance que par son esprit.

J’ai su de très-bonne part une anecdote qui jette quelque lumière sur ce fait encore obscur ; la voici : M. de Ségur, lors de sa grande faveur auprès de l’Impératrice Catherine, s’était souvent amusé à tourner en ridicule le neveu du grand Frédéric, devenu roi plus tard, sous le nom de Frédéric-Guillaume II ; il se moquait de ses amours, de sa personne même ; et, selon le goût du temps, il avait fait de ce prince et des personnes de sa société intime des portraits satiriques qu’il envoya dans un billet du matin à l’Impératrice.

Après la mort du grand Frédéric, les circonstances politiques ayant subitement changé, la Czarine re-