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LETTRE DEUXIÈME.


Berlin, ce 23 juin 1839.

On doit le dire à la honte de l’homme, il existe pour les peuples une béatitude toute matérielle : c’est celle dont jouit maintenant l’Allemagne et particulièrement la Prusse. Grâce à ses routes magnifiquement entretenues, à son système de douanes, à son excellente administration, ce pays, le berceau du protestantisme, nous devance aujourd’hui sur la route de la civilisation physique ; c’est une espèce de religion sensuelle qui a fait son Dieu de l’humanité. Il n’est que trop vrai que les gouvernements modernes favorisent ce matérialisme raffiné, dernière conséquence de la réformation religieuse du xvie siècle. Réduisant leur action à exploiter le bonheur terrestre, il semble se proposer pour but unique de prouver au monde que l’idée divine n’est point nécessaire au bien-être d’une nation. Ce sont des vieillards qui se contentent de vivre[1].

Néanmoins la sagesse et l’économie qui président à l’administration de ce pays sont pour les Prus-

  1. Trois années écoulées et un changement de règne ont déjà enlevé à cette remarque une grande partie de son à-propos.