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hit déjà les soucis d’un âge plus avancé ; sa bouche gracieuse n’est pas sans douceur, son profil grec rappelle les médailles antiques ou les portraits de l’Impératrice Catherine ; mais à travers l’air de bonté que donnent presque toujours la beauté, la jeunesse et surtout le sang allemand, on ne peut s’empêcher de reconnaître ici une puissance de dissimulation qui fait peur dans un très-jeune homme. Ce trait est sans doute le sceau du destin ; il me fait croire que ce prince est appelé à monter sur le trône. Il a le son de voix mélodieux, ce qui est rare dans sa famille ; c’est un don qu’il a reçu, dit-on, de sa mère.

Il brille au milieu des jeunes gens de sa société, sans qu’on sache à quoi tient la distance qu’on remarque entre eux, si ce n’est à la grâce parfaite de sa personne. La grâce dénote toujours une aimable disposition d’esprit : il y a tant d’âme dans la démarche, dans l’expression de la physionomie, dans les attitudes d’un homme !… Celui-ci est à la fois imposant et agréable. Les Russes voyageurs m’avaient annoncé sa beauté comme un phénomène : sans cette exagération j’en aurais été plus frappé ; d’ailleurs je me rappelais l’air romanesque, la figure d’archange de son père et de son oncle, le grand-duc Michel, en 1815, lorsqu’ils vinrent à Paris, où on les avait surnommés les aurores boréales, et je suis devenu sévère parce que j’avais été trompé. Tel qu’il est, le grand-duc de