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bien des phases avant d’avoir pris son caractère définitif, l’humeur habituelle qu’il dénote aujourd’hui est douce et bienveillante, pourtant il y a entre le jeune sourire des yeux et la contraction constante de la bouche, une discordance qui annonce peu de franchise, et peut-être quelque souffrance intérieure. Le chagrin de la jeunesse, de cet âge où le bonheur est dû à l’homme, est un secret d’autant mieux gardé qu’il est un mystère inexplicable même pour celui qui l’éprouve. L’expression du regard de ce jeune prince est la bonté ; sa démarche est gracieuse, légère et noble ; c’est vraiment un prince ; il a l’air modeste sans timidité, ce dont on lui sait gré ; l’embarras des grands est si gênant pour tout le monde que leur aisance nous paraît de l’affabilité ; c’en est réellement. Quand ils se croient des pagodes, ils sont gênés par l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et qu’ils n’espèrent pas faire partager aux autres.

Cette sotte inquiétude n’atteint point le grand-duc ; sa présence fait avant tout l’impression d’un homme parfaitement bien élevé ; s’il règne jamais, c’est par l’attrait inhérent à la grâce qu’il se fera obéir, ce n’est pas par la terreur, à moins que les nécessités attachées à la charge d’Empereur de Russie ne changent son naturel en changeant sa position.