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gnant elle me dit avec la grâce qui la distingue essentiellement : Je me souviendrai d’avoir souffert et admiré avec vous. » Puis elle ajouta : « Je ne pars pas encore, nous nous reverrons ce soir. »

Je suis lié intimement avec une famille polonaise qui est celle de la femme qu’elle aime le mieux. La baronne***, née comtesse***, cette dame, élevée en Prusse avec la fille du Roi, a suivi la princesse en Russie et ne l’a jamais quittée ; elle s’est mariée à Pétersbourg, où elle n’a d’autre état que celui d’amie de l’Impératrice. Une telle constance de sentiment les honore toutes deux. La baronne*** aura dit du bien de moi à l’Empereur et à l’Impératrice, et ma timidité naturelle, flatterie d’autant plus fine qu’elle est involontaire, a complété mon succès.

En sortant de la salle du souper pour passer dans la galerie du bal, je m’approchai encore d’une fenêtre. Elle ouvrait sur la cour intérieure du palais ; j’eus là un spectacle d’un tout autre genre, mais aussi peu attendu, aussi surprenant que le lever de l’aurore dans le beau ciel de Pétersbourg. C’est la vue de la grande cour du palais d’hiver ; elle est carrée comme celle du Louvre. Pendant le bal, peu à peu, toute cette enceinte s’était remplie de peuple ; les lueurs du crépuscule devenaient de plus en plus distinctes, et le jour paraissait ; en voyant cette foule muette d’admiration, ce peuple immobile, silencieux, et pour