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ans. Cette pauvre femme languit sans honneur à la cour de ses vainqueurs. Elle m’inspirerait une profonde pitié si elle ne ressemblait un peu trop à une figure échappée du cabinet de Curtius. Son visage est basané comme celui d’un homme habitué aux fatigues des camps, et elle est habillée grotesquement. Nous nous laissons trop aisément aller à rire de l’infortune quand elle nous apparaît sous une forme déplaisante ; le malheur ridicule perd ses droits. On voudrait que la captivité embellît, surtout une Reine de Géorgie ; il n’en est pas ainsi, au contraire ; et les cœurs deviennent bien vite injustes envers ce qui déplaît aux yeux : cette manière de se dispenser de la pitié n’est pas généreuse ; mais, je l’avoue, je n’ai pu garder mon sérieux en voyant une tête royale coiffée d’une espèce de shako d’où pendait un voile fort singulier ; le reste de la personne répondait à la coiffure, et tandis que toutes les dames de la cour étaient en robes à queue, cette Reine d’Orient avait une jupe écourtée et toute surchargée de broderies. Elle faisait rire et elle faisait peur, tant il y avait de mauvais goût dans son ajustement, d’ennui et en même temps de courtisanerie dans sa physionomie, de laideur dans ses traits, de disgrâce dans sa personne. Encore une fois, on ne va pas si loin pour se croire obligé de plaindre des gens qui déplaisent.

L’habit national des dames russes à la cour est