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à toute la cour chaque salon de ce palais renouvelé en un an, mêlaient un intérêt dramatique aux pompes un peu froides des solennités ordinaires. Chaque salle, chaque peinture était un sujet de surprise pour les Russes eux-mêmes, qui avaient assisté à la catastrophe et n’avaient point revu ce merveilleux séjour depuis qu’à la parole du dieu le temple est ressorti de ses cendres. Quel effort de volonté ! pensais-je à chaque galerie, à chaque marbre, à chaque peinture que je voyais. Le style de ces ornements, bien qu’ils fussent refaits d’hier, rappelait le siècle ou le palais fut fondé ; ce que je voyais me semblait déjà ancien ; on copie tout en Russie, même le temps. Ces merveilles inspiraient à la foule une admiration contagieuse ; en voyant le triomphe de la volonté d’un homme, et en écoutant les exclamations des autres hommes, je commençais moi-même à m’indigner moins du prix qu’avait coûté le miracle. Si je ressens cette influence au bout de deux jours de séjour, combien ne devons-nous pas d’indulgence à des hommes qui sont nés et qui passent leur vie dans l’air de cette cour !… c’est-à-dire en Russie ; car c’est toujours l’air de la cour qu’on y respire d’un bout de l’empire à l’autre. Je ne parle pas des serfs ; encore ceux-ci mêmes éprouvent-ils, par leurs rapports avec le seigneur, l’effet de la pensée souveraine qui seule anime l’empire ; le courtisan, qui est leur maître, est pour