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L’extrême curiosité que mon travail inspirait aux Russes, évidemment inquiets de la réserve de mes discours, m’a fait penser d’abord que j’avais plus de puissance que je ne m’en étais attribué ; je devins attentif et prudent, car je ne tardai pas à découvrir le danger auquel pouvait m’exposer ma sincérité. N’osant envoyer mes lettres par la poste, je les conservai toutes, et les tins cachées avec un soin extrême, comme des papiers suspects ; par ce moyen, à mon retour en France, mon voyage était écrit, et il se trouvait tout entier dans mes mains. Cependant j’ai hésité trois années à le faire paraître : c’est le temps qu’il m’a fallu pour accorder, dans le secret de ma conscience, ce que je croyais devoir à la reconnaissance et à la vérité !!! Celle-ci l’emporte enfin parce qu’elle me paraît de nature à intéresser mon pays. Je ne puis oublier que j’écris pour la France avant tout, et je crois de mon devoir de lui révéler des faits utiles et graves.

Je me regarde comme le maître de juger, même sévèrement, si ma conscience l’exige, un pays où j’ai des amis, d’analyser sans tomber dans d’offensantes personnalités le caractère des hommes publics, de citer les paroles des hommes politiques, à commencer par celles du plus grand personnage de l’État, de raconter leurs actions, et de pousser jusqu’à leurs