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ception, qu’importe la finesse de l’exécution ? d’ailleurs l’une et l’autre manquent également aux productions de l’art russe. Jusqu’à présent cet art n’est que de la patience ; il consiste à imiter tant bien que mal, pour le transporter chez soi sans choix ni goût, ce qui a été inventé ailleurs. Tout cela est mesquin, quoique colossal ; car en architecture ce n’est pas la dimension des murailles qui fait la grandeur, c’est la sévérité du style.

La sculpture en plein air me fait ici l’effet des plantes exotiques qu’il faudrait rentrer tous les automnes ; rien ne convient moins que ce faux luxe aux habitudes et au génie de ce peuple, à son sol et à son climat. Dans un pays où il y a quelquefois 60 degrés de différence entre la température de l’hiver et celle de l’été, on devrait renoncer à l’architecture des beaux climats. Mais les Russes ont pris l’habitude de traiter la nature elle-même en esclave, et de compter le temps pour rien. Imitateurs obstinés, ils prennent leur vanité pour du génie et se croient appelés à reproduire chez eux, tout à la fois et sur une plus grande échelle, les monuments du monde entier. Cette ville avec ses quais de granit est une merveille, mais le palais de glace où l’Impératrice Élisabeth a donné une fête était une merveille aussi ; il a duré ce que durent les flocons de neige, ces roses de Sibérie.

Ce que j’ai vu jusqu’à présent dans les créations