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La principale, c’est que j’ai senti chaque jour mes idées se modifier par l’examen auquel je soumettais une société absolument nouvelle pour moi. Il me semblait qu’en disant la vérité sur la Russie, je ferais une chose utile, neuve et hardie : jusqu’à présent la peur et l’intérêt ont dicté des éloges exagérés ; la haine a fait publier des calomnies : je ne crains ni l’un ni l’autre écueil.

J’allais en Russie pour y chercher des arguments contre le gouvernement représentatif, j’en reviens partisan des constitutions. Le gouvernement mixte n’est pas le plus favorable à l’action ; mais dans leur vieillesse, les peuples ont moins besoin d’agir ; ce gouvernement est celui qui aide le plus à la production, et qui procure aux hommes le plus de bien-être et de richesses ; il est surtout celui qui donne le plus d’activité à la pensée dans la sphère des idées pratiques : enfin il rend le citoyen indépendant, non par l’élévation des sentiments, mais par l’action des lois : certes, voilà de grandes compensations à de grands inconvénients.

À mesure que j’ai appris à connaître le terrible et singulier gouvernement, régularisé, pour ne pas dire fondé par Pierre Ier, j’ai mieux compris l’importance de la mission que le hasard m’avait confiée.