Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/386

Cette page a été validée par deux contributeurs.

militaire, voilà tout : il me prouve ce que je savais : c’est que de nos jours les princes sont moins rares que les gentilshommes. Le jeune duc m’eût paru mieux placé dans la garde de l’Empereur que dans sa famille. Nulle émotion ne s’est manifestée sur sa physionomie à aucun moment de ces cérémonies qui pourtant m’ont paru touchantes, à moi, spectateur indifférent. J’avais apporté là de la curiosité, j’y ai senti du recueillement, et le gendre de l’Empereur, le héros de la scène, avait l’air étranger à ce qui se passait autour de lui. Il n’a point de physionomie. Il paraissait embarrassé de sa personne plus qu’intéressé à ce qu’il faisait. On voit qu’il compte peu sur la bienveillance d’une cour où le calcul règne plus absolument que dans toute autre cour, et où sa fortune inattendue doit lui faire plus d’envieux que d’amis. Le respect ne s’improvise pas ; je hais toute position qui n’est pas simple et ne puis me défendre d’une sévérité quelquefois injuste pour l’homme qui accepte, par quelque motif que ce soit, une telle position. Ce jeune prince a cependant une légère ressemblance avec son père dont le visage était intelligent et gracieux ; malgré l’uniforme russe, où tous les hommes sont gênés, tant on y est serré, il m’a paru que sa démarche était légère comme celle d’un Français : il ne se doutait guère, en passant devant moi, qu’il y avait là un homme qui portait sur sa poitrine un sou-