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fois branler la tête ; ses yeux creux, bleus et doux trahissent des souffrances profondes, supportées avec un calme angélique ; son regard plein de sentiment a d’autant plus de puissance qu’elle pense moins à lui en donner : détruite avant le temps, elle n’a pas d’âge, et l’on ne saurait, en la voyant, deviner ses années ; elle est si faible qu’on dirait qu’elle n’a pas ce qu’il faut pour vivre : elle tombe dans le marasme, elle va s’éteindre, elle n’appartient plus à la terre : c’est une ombre. Elle n’a jamais pu se remettre des angoisses qu’elle ressentit le jour de son avénement au trône : le devoir conjugal a consumé le reste de sa vie.

Elle a donné trop d’idoles à la Russie, trop d’enfants à l’Empereur. « S’épuiser en grands-ducs : quelle destinée !… » disait une grande dame polonaise qui ne se croit pas obligée d’adorer en paroles ce qu’elle hait dans le cœur.

Tout le monde voit l’état de l’Impératrice ; personne n’en parle ; l’Empereur l’aime ; a-t-elle la fièvre ? est-elle au lit ? il la soigne lui-même ; il veille près d’elle, prépare ses boissons, les lui fait avaler comme une garde-malade ; mais dès qu’elle est sur pied, il la tue de nouveau à force d’agitation, de fêtes, de voyages, d’amour ; à la vérité sitôt que le danger est déclaré, il renonce à ses projets ; mais il a horreur des précautions qui préviendraient le mal ; femme, enfants, ser-