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se révolte contre son sergent au milieu de la bataille ; la honte en rejaillit sur l’armée et jusque sur le général : l’Empereur de Russie est un chef militaire, et chacun de ses jours est un jour de bataille.

Pourtant de loin en loin des éclairs de douceur tempèrent le regard impérieux ou impérial du maître, alors l’expression de l’affabilité fait tout à coup ressortir la beauté native de cette tête antique. Dans le cœur du père et de l’époux l’humanité triomphe par instants de la politique du prince. Quand le souverain se repose du joug qu’il fait peser sur toutes les têtes, il paraît heureux. Ce combat de la dignité primitive de l’homme contre la gravité affectée du maître, me semble bien curieux à observer. C’est à quoi j’ai passé la plus grande partie de mon temps dans la chapelle.

L’Empereur est plus grand que les hommes ordinaires de la moitié de la tête ; sa taille est noble quoiqu’un peu roide ; il a pris dès sa jeunesse l’habitude russe de se sangler au-dessous des reins, au point de se faire remonter le ventre dans la poitrine, ce qui a dû produire un gonflement des côtes ; cette proéminence peu naturelle nuit à la santé comme à la grâce du corps ; l’estomac bombé excessivement sous l’uniforme, finit en pointe et retombe par-dessus la ceinture.

Cette difformité volontaire qui gêne la liberté des