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que je pense de leur pays, mais je sais qu’ils se rendent justice à eux-mêmes quand ils redoutent les vérités que je puis dire.

Les Russes ont le nom de tout et ils n’ont la chose de rien ; ils ne sont riches qu’en affiches : lisez les étiquettes, ils ont la civilisation, la société, la littérature, le théâtre, les arts, la science, mais ils n’ont pas un médecin : le savoir consciencieux est inconnu dans une société qui vient de naître. Êtes-vous malade, avez-vous la fièvre ? traitez-vous vous-même, ou faites appeler un médecin étranger. Si vous demandez à tout hasard le médecin accrédité dans le quartier que vous habitez, vous êtes mort, car la médecine russe est dans l’enfance. Hors le médecin de l’Empereur, qui est Russe et savant, m’a-t-on dit, les seuls docteurs qui ne vous assassinent pas sont pour la plupart des Allemands attachés aux princes : mais les princes vivent dans un mouvement perpétuel, vous ne pouvez savoir positivement où ils sont : vous n’avez donc, à proprement parler, point de médecin. Ceci n’est pas une imagination ; c’est le résultat d’un fait que j’ai observé de mes yeux depuis plusieurs jours, et que je me refuse le plaisir de caractériser davantage dans ce récit pour ne compromettre personne. Comment faire courir à 20, 40 ou 60 verstes (deux lieues de France font sept verstes) pour savoir quel mal vous avez ? Et si, après avoir