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suffit pas, vous ne trouverez point d’autre guide[1] ; nul libraire ne vend un indicateur complet des curiosités de Pétersbourg ; or, les hommes instruits que vous questionnez ont un intérêt à ne pas vous éclairer, ou ils ont autre chose à faire qu’à vous répondre ; l’Empereur, le lieu qu’il habite, le projet qui l’occupe ostensiblement, voilà le seul sujet digne d’absorber la pensée d’un Russe qui pense. Ce catéchisme de cour suffit à la vie. Tous ont le désir de se rendre agréables au maître en contribuant à cacher quelque coin de la vérité aux voyageurs. Personne ne songe à favoriser les curieux ; on aime à les tromper par des documents faux : il faudrait le talent d’un grand critique pour bien voyager en Russie. Sous le despotisme, curiosité est synonyme d’indiscrétion ; l’Empire, c’est l’Empereur régnant ; s’il se porte bien, vous êtes dispensé de tout autre souci, et votre cœur et votre esprit ont le pain quotidien. Pourvu que vous sachiez où réside et comment vit cette raison de toute pensée, ce moteur de toute volonté, de toute action, vous, étranger ou sujet russe, vous n’avez rien à demander à la Russie, pas même votre chemin, car sur le plan russe de la ville de Pétersbourg, vous ne trouvez indiqué que le nom des principales rues.

  1. Schnitzler est l’auteur de la meilleure statistique qu’on ait faite sur la Russie.