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rant qu’ils ne veulent pas être vendus. « Il le faut, répond le seigneur, il n’est pas dans mes principes d’augmenter l’impôt que paient mes paysans ; cependant je ne suis pas assez riche pour garder une terre qui ne me rapporte presque rien. — N’est-ce que cela ? s’écrient les députés des domaines du seigneur, nous sommes assez riches, nous, pour que vous puissiez nous garder. » Aussitôt, de leur plein gré, ils fixent leurs redevances au double de ce qu’ils payaient depuis un temps immémorial.

D’autres paysans, avec moins de douceur et une finesse plus détournée, se révoltent contre leur maître, uniquement dans l’espoir qu’ils deviendront serfs de la couronne. C’est le but de l’ambition de tous les paysans russes.

Affranchissez brusquement de tels hommes, vous mettez le feu au pays. Du moment où les serfs séparés de la terre verraient qu’on la vend, qu’on la loue, qu’on la cultive sans eux, ils se lèveraient en masse, en criant qu’on les dépouille de leur bien.

Dernièrement, dans un village lointain où le feu avait pris, les paysans qui se plaignaient de leur seigneur à cause de sa tyrannie, ont profité du désordre qu’ils avaient peut-être causé eux-mêmes, pour se saisir de leur ennemi, c’est-à-dire de leur maître, pour l’entraîner à l’écart, l’empaler et le faire rôtir au feu même de l’incendie ; ils ont cru se justi-