Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’ai donc enfin respiré l’air de la cour ! Mais jusqu’ici je n’ai pu apercevoir aucune des divinités qui le font souffler sur les mortels.

Les maisons de plaisance les plus remarquables sont bâties autour, ou du moins dans le voisinage de ce pied-à-terre Impérial. Ici l’homme vit des regards du maître comme la plante des rayons du soleil ; l’air appartient à l’Empereur ; on n’en respire que ce qu’il en départ inégalement à chacun : chez le vrai courtisan le poumon obéit comme les épaules.

Il y a du calcul partout où il y a une cour, et une société ; mais nulle part il n’est à découvert comme ici. Cet Empire est une grande salle de comédie où de toutes les loges on voit dans les coulisses.

Il est une heure du matin ; le soleil va se lever ; je ne puis dormir encore ; je finirai donc ma nuit comme je l’ai commencée, en vous écrivant sans lumière.

Malgré les prétentions des Russes à l’élégance, les étrangers ne peuvent trouver dans tout Pétersbourg une auberge supportable. Les grands seigneurs amènent ici de l’intérieur de l’Empire une suite toujours nombreuse : comme il est leur propriété, l’homme est leur luxe. Sitôt que les valets sont laissés seuls dans l’appartement du maître, ils se vautrent à l’orientale sur tous les meubles qu’ils remplissent de vermine ; ces bêtes passent du crin dans le bois, du