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l’Empereur Nicolas, mais j’y vois la consolation d’une belle âme plus que la preuve d’un bonheur complet. Le dédommagement n’est pas la félicité, au contraire, le remède constate le mal ; un Empereur de Russie a toujours du coeur de reste, quand il en a ; de là les vertus privées trop admirées chez l’Empereur Nicolas.

Ce soir l’Impératrice ayant quitté Péterhoff par mer, a débarqué à son pavillon des îles ; c’est là qu’elle vient attendre le moment du mariage de sa fille qui doit se célébrer demain au nouveau palais d’hiver. Lorsqu’elle loge aux îles, les ombrages qui environnent son pavillon servent d’abri pendant le jour à son régiment des chevaliers-gardes, l’un des plus beaux de l’armée.

Nous sommes arrivés trop tard pour la voir sortir de son bateau sacré ; mais nous avons trouvé la foule encore émue du passage rapide de l’astre Impérial. Les seuls tumultes possibles en Russie ce sont des joutes de flatteurs. Le sillage est sensible dans une foule de courtisans comme il l’est sur la mer où les plus gros vaisseaux laissent les plus longues traces. Ce soir le bouillonnement humain ressemblait tout à fait à l’agitation des vagues après le passage d’un puissant bâtiment de guerre. L’altier navire fend les flots à toutes voiles et l’onde écume longtemps encore après que la nef qui vient de la sillonner est entrée dans le port.