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vole interrompt pour neuf mois ses représentations du désert. Acteurs et spectateurs, tous quittent la ville de bois pour la ville de pierre ; mais ils ne s’aperçoivent guère du changement, car à Pétersbourg la neige des nuits d’hiver répand presque autant d’éclat que le soleil des jours d’été, et les poêles russes sont plus chauds que les rayons d’une lumière oblique.

Le spectacle fini, on reploie les coulisses, les toiles, on éteint les lampes, les fleurs du caprice tombent, et quelques arbres malvenants gémissent seuls pendant neuf mois au-dessus des joncs du pâle marécage ; alors les tourbières du pôle mises à nu, attristent de nouveau la forêt clair-semée qu’on appelait l’Ingrie et dont on a tiré Pétersbourg par enchantement.

Ce qui arrive aux îles tous les ans, arrivera une fois à la ville entière. Que cette capitale sans racines dans l’histoire, ni dans le sol, soit oubliée du souverain, un seul jour ; qu’une politique nouvelle porte ailleurs la pensée du maître, le granit caché sous l’eau s’émiette, les basses terres inondées rentrent dans leur état naturel et les hôtes de la solitude reprennent possession de leur gîte.

Ces idées occupent la pensée de tous les étrangers qui se promènent parmi les légers équipages de Pétersbourg ; personne ne croit à la durée de cette merveilleuse capitale. Pour peu qu’on médite (et quel est