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probité la plus intacte ne mettent nul homme à l’abri des prisons souterraines de la citadelle de Pétersbourg, et mon cœur se dilata quand je repassai les fossés qui défendent cette triste enceinte et la séparent du reste du monde.

Hé ! qui n’aurait pitié de ce peuple ? Les Russes, je parle de ceux des classes élevées, vivent aujourd’hui sur des préjugés, sur une ignorance qu’ils n’ont plus !… L’affectation de la résignation me paraît le dernier degré de l’abjection où puisse tomber un peuple esclave ; la révolte, le désespoir seraient plus terribles sans doute, mais moins ignobles ; la faiblesse dégradée au point de se refuser jusqu’à la plainte, cette consolation de la brute, la peur calmée par l’excès de la peur ; c’est un phénomène moral dont on ne peut être témoin sans verser des larmes de sang

Après avoir visité la sépulture des souverains de la Russie, je me suis fait ramener dans mon quartier et conduire à l’église catholique, desservie par des moines dominicains. J’y venais demander une messe pour un anniversaire dont aucun de mes voyages ne m’a encore empêché de faire la commémoration dans une église catholique. Le couvent des dominicains est situé dans la Perspective Newski, la plus belle rue de Pétersbourg. L’église n’est pas magnifique ; elle est décente ; les cloîtres sont solitaires ; les cours encom-