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chie militaire à toute l’administration de l’Empire, il changea sa nation en un régiment de muets dont il se déclara lui-même le colonel, avec le droit de passer ce grade à ses héritiers.

Vous figurez-vous les ardeurs, les rivalités, toutes les passions de la guerre en pleine paix ? Si vous vous représentez bien cette absence de tout ce qui fait le bonheur domestique et social ; si, à la place des affections de famille, vous vous préparez à trouver partout l’agitation non avouée d’une ambition toujours bouillonnante, mais secrète, car pour réussir il faut qu’elle soit masquée ; si vous parvenez enfin à vous figurer le triomphe presque complet de la volonté d’un homme sur la volonté de Dieu, vous comprendrez la Russie.

Le gouvernement russe, c’est la discipline du camp substituée à l’ordre de la cité, c’est l’état de siège devenu l’état normal de la société.

Passé les heures de la matinée ; la ville s’anime peu à peu, mais elle devient plus bruyante sans me paraître plus gaie ; on ne voit que des voitures peu élégantes qui emportent, de toute la vitesse de leurs deux, de leur quatre et de leurs six chevaux, des gens toujours pressés, parce que leur vie se passe à faire leur chemin. Du plaisir sans but, c’est-à-dire du plaisir, c’est ici chose inconnue.

Aussi presque tous les grands artistes venus en