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l’ombre de la mort planer sur cette partie du globe.

Parmi ce peuple privé de loisir et de volonté, on ne voit que des corps sans âmes, et l’on frémit en songeant que, pour une si grande multitude de bras et de jambes, il n’y a qu’une tête.

Le despotisme est un composé d’impatience et de paresse ; avec un peu plus de longanimité de la part du pouvoir, d’activité de la part du peuple, le même résultat s’obtiendrait à bien meilleur marché ; mais que deviendrait la tyrannie ?… on reconnaîtrait qu’elle est inutile. La tyrannie, c’est la maladie imaginaire des peuples ; le tyran déguisé en médecin leur a persuadé que la santé n’est pas l’état naturel de l’homme civilisé, et que plus le danger est grand, plus le remède doit être violent : c’est ainsi qu’il entretient le mal sous le prétexte de le guérir. L’ordre social coûte trop cher en Russie pour que je l’admire.

Que si vous me reprochez de confondre le despotisme avec la tyrannie, je vous répondrai que c’est à dessein que je le fais. Ils sont si proches parents, qu’ils ne manquent presque jamais de s’unir en secret pour le malheur des hommes. Sous le despotisme, la tyrannie peut durer parce qu’elle garde le masque.

Lorsque Pierre le Grand établit ce qu’on appelle ici le tchin, c’est-à-dire lorsqu’il appliqua la hiérar-