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de sa partialité de courtisan, ils le prendraient en haine, et, se repentant d’avoir cédé à la manie des lumières, dont l’Europe moderne est possédée, ils supplieraient l’Empereur de défendre la lecture de tous les historiens de la Russie, Karamsin à leur tête, afin de laisser le passé dans des ténèbres également favorables au repos du despote et à la félicité des sujets qui ne sont jamais si à plaindre que lorsqu’on les plaint. Les pauvres gens se croiraient heureux si nous autres étrangers nous ne les qualifiions imprudemment de victimes. Le bon ordre et l’obéissance, les deux divinités de la police et de la nation russes, exigent, ce me semble, ce dernier sacrifice.

Voici donc ce qu’écrivait Herberstein en se récriant sur le despotisme du monarque russe : « Il ( le Czar) dit, et tout est fait : la vie, la fortune des laïques et du clergé, des seigneurs et des citoyens, tout dépend de sa volonté suprême. Il ignore la contradiction, et tout en lui semble juste, comme dans la Divinité ; car les Russes sont persuadés que le grand prince est l’exécuteur des décrets célestes : Ainsi l’ont voulu Dieu et le Prince, Dieu et le Prince le savent, telles sont les locutions ordinaires parmi eux, rien n’égale leur zèle pour son service ; un de ses principaux officiers, vieillard à cheveux blancs et autrefois ambassadeur en Espagne, vint à notre rencontre lorsque nous entrâmes dans Moscou ; il courait à cheval, et