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lade, et particulièrement protégé par une personne de la famille impériale, qui sait trop bien ce que c’est que l’esprit pour le craindre. D’ailleurs, pour éviter la Sibérie, il prétend qu’il écrit des Mémoires, et qu’à mesure qu’il termine un volume il le dépose en France. L’Empereur craint la publicité comme la Russie craint l’Empereur. Je ne cesse d’écouter le prince K*** avec l’attention qu’il mérite ; je le trouve un homme des plus intéressants dans la conversation ; mais j’appelle souvent de ses arrêts.

Je suis frappé de l’excessive inquiétude des Russes à l’égard du jugement qu’un étranger pourrait porter sur eux ; on ne saurait montrer moins d’indépendance ; l’impression que leur pays doit produire sur l’esprit d’un voyageur les préoccupe sans cesse. Où en seraient les Allemands, les Anglais, les Français, tous les peuples de l’Europe, s’ils se laissaient aller à tant de puérilité ? Si les épigrammes du prince K*** révoltent ses compatriotes, c’est bien moins parce qu’elles blessent en eux une affection sérieuse, qu’à cause de l’influence qu’elles peuvent exercer sur moi, qui suis un homme important à leurs yeux, parce qu’on leur a dit que j’écrivais mes voyages.

« N’allez pas vous laisser prévenir contre la Russie par ce mauvais Russe, n’écrivez pas sous l’impression de ses mensonges, c’est pour faire de l’esprit français à nos dépens qu’il parle comme vous l’en-