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Ici le prince s’interrompit, et nous reconnûmes la tour de Dago.

Le prince reprit : « Il appela ce donjon sa bibliothèque, et le surmonta d’une espèce de lanterne vitrée de tous côtés comme un belvédère, comme un observatoire, ou plutôt comme un phare. Il ne pouvait, répétait-il souvent, travailler que la nuit et dans ce lieu solitaire. C’est là qu’il se retirait pour se recueillir et pour trouver la paix.

« Les seuls hôtes admis dans sa retraite étaient un fils unique, encore enfant, et le gouverneur de ce fils.

« Vers minuit, lorsqu’il les croyait tous deux endormis, il s’enfermait à certains jours dans son laboratoire : la tour vitrée était alors éclairée par une lampe tellement éclatante que de loin on la prenait pour un signal. Ce phare, qui n’en était pas un, était destiné à tromper les vaisseaux étrangers qui risquaient de se perdre sur l’île, si leur capitaine, venant de loin, ne connaissait pas parfaitement chaque point de la côte qu’il faut longer pour entrer dans le périlleux golfe de Finlande.

« Cette erreur est précisément ce qui faisait l’espoir du terrible baron. Bâtie sur un écueil au milieu d’une mer redoutable, la perfide tour devenait le point de mire des pilotes inexpérimentés ; et les malheureux, égarés par le faux espoir qu’on faisait luire à