Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LETTRE SIXIÈME.


Ce 9 juillet 1839, à huit heures du soir, à bord du paquebot le Nicolas Ier.

N’oubliez pas que c’est le prince K*** qui parle.

« Un baron Ungern de Sternberg avait longtemps parcouru l’Europe en homme d’esprit qu’il était, et ses voyages avaient fait de lui tout ce qu’il pouvait devenir, c’est-à-dire un grand caractère développé par l’expérience et par l’étude.

« Revenu à Saint-Pétersbourg, c’était sous l’Empereur Paul, une disgrâce non motivée le décida à quitter la cour. Il se renferme dans l’île de Dago dont il était le seigneur, et retiré au milieu de cette sauvage souveraineté, il jure une haine à mort au genre humain tout entier, pour se venger de l’Empereur, de cet homme qui lui représente à lui seul les hommes.

« Ce personnage était vivant à l’époque de notre enfance.

« Relégué dans son île, il affecte soudain la passion de l’étude ; et pour se livrer en liberté, dit-il, à ses travaux scientifiques, il fait ajouter à son manoir une tour très-élevée dont vous pouvez distinguer les murs avec une lunette d’approche. »