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le fourneau, le capitaine les suit d’un air préoccupé, sans vouloir répondre aux passagers, qui le questionnent du geste et du regard.

Nous nous trouvions au milieu de la mer Baltique, et dans la partie où elle a le plus de largeur, avant l’entrée du golfe de Finlande, au-dessous de celui de Bothnie, par conséquent le plus loin possible de toutes les côtes. Nous n’en apercevions aucune, quoique le temps fût clair.

Nous gardions tous un silence solennel, de sinistres souvenirs troublaient les imaginations ; les plus superstitieux étaient les plus agités. Sur l’ordre du capitaine, deux matelots jettent la sonde : « C’est sans doute un écueil sur lequel nous avons touché, dit une voix de femme, la première qui se fît entendre depuis l’accident ; jusque-là les seules paroles qui avaient retenti dans le silence de la peur étaient les ordres assez timides du capitaine dont le son de voix ni l’attitude n’étaient rien moins que rassurants. « La machine est trop chargée de vapeur, dit une autre voix, et risque d’éclater. »

À cet instant quelques matelots s’approchent des chaloupes et se mettent en devoir de les détacher.

Je me taisais, mais je pensais : « voilà mes pressentiments réalisés. Ce n’était donc pas par caprice que je voulais renoncer à faire cette traversée. » Mes regrets se tournaient vers Paris.