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cours, n’est-ce pas de la démence ? Mais n’est-ce pas une folie plus ridicule encore de reculer devant le dernier pas, et de faire rapporter ma voiture à terre, au grand étonnement de tout le pays ? Que dire aux habitants de Travemünde ? comment expliquer ma résolution tardive à mes amis de Paris ?

Je suis peu habitué à me laisser diriger par des considérations de cette nature ; mais j’étais malade, et surtout faible : il eût fallu, pour m’arrêter en chemin, une résolution forte ; pour continuer, il ne fallait que du laisser aller.

Le frisson redoublait pourtant ; une angoisse, une langueur inexplicables, m’avertissaient de la nécessité du repos ; un profond dégoût pour les aliments, une vive douleur de tête et de côté me faisaient redouter une traversée de quatre jours. Je ne la supporterai pas, me disais-je ; ne suis-je pas insensé d’affronter tous les inconvénients de la mer, dans la disposition où je me trouve ? Mais changer de projets est ce qui coûte le plus aux malades….. comme aux autres hommes.

Les eaux d’Ems m’ont guéri ; mais c’est en substituant un mal à un autre. Pour me délivrer de cette seconde maladie, il faudrait du repos. Que de raisons pour ne pas aller en Sibérie ! J’y vais pourtant.

Je ne savais vraiment plus quel parti prendre pour sortir d’une situation plus que pénible, puisqu’elle était ridicule.