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teintes mélancoliques sous la voûte qu’elle blanchit à peine ; rien n’est éclatant, mais tout est visible ; la nature illuminée avec cette pâleur, égale partout, ressemble au rêve d’un poëte en cheveux blancs. C’est Ossian qui ne se souvient plus de ses amours, et qui n’entend que la voix des tombeaux.

L’aspect de tous ces sites sans relief, de ces lointains sans plans, de ces horizons sans accidents et peu distincts, de ces lignes à demi effacées ; toute cette confusion de formes et de tons, me plonge dans une rêverie douce dont le réveil pacifique est aussi près de la mort que de la vie. À son tour l’âme reste suspendue entre le jour et la nuit, entre la veille et le sommeil ; elle n’a pas de vives joies : les transports de la passion lui manquent ; mais l’inquiétude des désirs violents n’existe pas pour elle ; si l’on n’est point exempt d’ennui, on est libre de peines : une quiétude perpétuelle s’empare du cœur et du corps, et se retrouve en image dans cette lumière indifféremment paresseuse qui répand avec égalité sa mortelle froideur, le jour et la nuit, sur les mers et sur les terres confondues par les neiges du pôle, et nivelées sous le pied pesant des hivers.

La lumière de ces plates régions est bien celle qui convient aux yeux bleus de faïence, et qui sympathise avec les traits peu marqués, les cheveux cendrés, l’imagination timidement romanesque des fem-