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que de la sécurité. Un mal sans cause appréciable, dissipé sans raison, peut revenir ; un mot, un nuage, le vol d’un oiseau, peuvent me prouver invinciblement que j’ai tort d’être calme ; des arguments semblables m’ont bien convaincu que j’avais tort d’être inquiet.

Travemünde s’est embelli depuis dix ans, et, qui plus est, les embellissements ne l’ont pas gâté. Une route magnifique a été terminée entre Lubeck et la mer ; c’est un berceau en charmille, à l’ombre duquel la poste vous conduit au petit trot jusqu’à l’embouchure de la rivière à travers des vergers et des hameaux épars dans des herbages. Je n’ai rien vu de si pastoral au bord d’aucune mer. Le village s’est égayé, quoique le pays soit resté silencieux et agreste ; c’est une prairie à fleur de mer ; les pâturages, animés par de nombreux troupeaux, qui les parcourent jour et nuit, ne finissent qu’à la grève ; ni galet, ni gravier, ni vase ne sépare la vague de l’herbe ; l’eau salée baigne le gazon.

Ces rives plates donnent à la mer Baltique l’apparence d’un lac, au pays une tranquillité qui paraît surnaturelle ; on se croit dans les champs Élysées de Virgile au milieu des ombres heureuses. La vue de la mer Baltique, malgré ses orages et ses écueils, m’inspire la sécurité. Les eaux des golfes, les plus dangereuses de toutes, ne font pas sur l’imagination l’im-