Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Nous voulions le mettre en prison, » réplique le président avec aigreur ; « mais il s’est caché, l’aristocrate, sa mauvaise conscience l’avait bien averti. Sais-tu où il est à présent ?

— Non, répond ma mère, « d’ailleurs je le saurais que je ne vous le dirais pas. »

Ses réponses courageuses, et qui contrastaient avec son air timide, l’ironie de ses pensées, qui perçait malgré elle sous la modération obligée de ses paroles, l’espèce de taquinerie involontaire à laquelle l’excitaient ces scènes burlesques et tragiques à la fois, sa beauté ravissante, la finesse de ses traits, son profil parfait, son deuil, sa jeunesse, l’éclat de son teint, la magie de ses cheveux blond doré, l’expression particulière de son regard, sa physionomie à la fois passionnée, mélancolique, résignée et mutine, son air noble malgré elle, ses manières élégantes, et dont la facilité faisait rougir des hommes embarrassés dans leur grossièreté naturelle et affectée, sa fierté modeste, sa renommée déjà nationale, l’autorité du malheur, l’incomparable accent de sa voix argentine, de cette voix à la fois touchante et sonore, sa manière de prononcer le français si nette et pourtant si douce, le don de la popularité qu’elle possédait à un haut degré sans aucune nuance de lâche complaisance, l’instinct de la femme enfin, ce désir constant de plaire qui réussit toujours parce qu’il est inné et par conséquent natu-