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recherches les plus ridicules, on levait jusqu’à des feuilles de parquet.

Ceci rappelle la plaisanterie de l’acteur Dugazon. Vous l’ignorez sans doute, car que n’ignorent pas sur l’époque de nos malheurs les hommes d’aujourd’hui ? Ils sont trop occupés eux-mêmes pour avoir le temps de recueillir les actes de leurs pères.

Dugazon, le comédien, était garde national ; un jour, faisant une patrouille près de la Halle, il s’arrête devant une marchande de pommes : « Ouvre-moi tes pommes, dit-il à cette femme. — Pourquoi faire ? — Ouvre-moi tes pommes. Qu’é que tu leur veux donc à mes pommes ? — Je veux voir si tu n’y as pas caché des canons. »

Malgré le jacobisme, qu’on appelait alors le civisme de Dugazon, l’épigramme en public était dangereuse.

Vous figurez-vous les battements de cœur de ma mère chaque fois qu’on approchait du lieu où avaient été jetées ses redoutables papiers ? Elle m’a souvent répété que pendant toutes les visites domiciliaires auxquelles on la força d’assister, elle n’osa tourner une seule fois les regards vers le canapé fatal, et en même temps elle craignait de les détourner avec affectation.

Ceci ne fut pas l’unique marque de protection que Dieu lui donna dans ses malheurs ; comme elle ne de-