Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gardien était le savetier du coin, qui reçut en même temps le titre de mon tuteur. Dans ce réduit dévasté, Nanette eut soin de moi comme si j’eusse été un grand seigneur ; elle m’y garda huit mois avec une fidélité maternelle.

Elle ne possédait presqu’aucun objet de valeur ; quand le peu d’argent qu’elle avait emporté pour le voyage fut épuisé, elle me nourrit du produit de ses hardes, qu’elle vendait une à une, tout en se disant que personne ne pourrait lui rendre le prix de ce qu’elle dépensait pour moi.

Si ma mère périssait, son projet était de m’emmener dans son pays, pour m’y faire élever et nourrir parmi les petits paysans de sa famille. J’avais deux ans ; je tombai mortellement malade d’une fièvre maligne. Nanette trouva le moyen de me faire soigner par trois des premiers médecins de Paris, Portal, Gastaldi, j’ai oublié le nom du chirurgien. Sans doute ces hommes furent influencés par la réputation de mon père et par celle de mon grand-père ; mais ils seraient venus dans notre réduit, même pour un enfant inconnu, car c’est une chose éprouvée que le désintéressement et le zèle des médecins français ; le dévouement de ma bonne est plus étonnant : ils sont humains par état ; chez eux la science aide à la vertu, c’est bien ; mais elle fut noble et généreuse malgré sa pauvreté, malgré son manque de culture : c’est su-