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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS.

Reszke. Mais tous avaient alors des engagements en Amérique, qui les rendaient indisponibles. Il s’adressa encore à Cossira, un vaillant ténor, mais qu’effraya la responsabilité d’un tel rôle en scène, bien qu’il l’eût assumé, presque en entier, nous l’avons vu, au concert. Gibert pensa qu’il « aurait du moins l’honneur de l’avoir entrepris ». Et de fait, il serait peu équitable de ne pas lui tenir compte de l’effort accompli par sa fougue et son élan. Sainprey et Vallier tinrent leurs personnages avec honneur : l’un (dont on s’étonne que la longue carrière n’ait été que récemment parisienne) par son accent vigoureux et sa belle allure, l’autre par son autorité et la sonorité de son timbre de basse.

Isolde et Brangaine, elles, ne pouvaient être plus noblement incarnées que par Mmes Litvinne et Bréma. Cette dernière, par le goût si plastique de son geste et la sincérité simple de son jeu, comme par l’émotion de sa voix, notamment dans les appels nocturnes du haut de la tour, donna au personnage de Brangaine une beauté harmonieuse et un caractère qu’on n’a vraiment pas retrouvés depuis. Félia Litvinne peut également compter cette création d’Isolde parmi les plus puissantes et les plus dignes d’elle que nous ayons jamais applaudies. L’égalité soutenue de sa voix si lumineuse, la sûreté de sa diction lyrique, au premier acte, la grandeur de son style à la scène sublime de la mort de Tristan, ne peuvent s’effacer de la mémoire. Nous l’avons, au surplus, revue au Château-d’eau, puis à l’Opéra, quelques années après, sinon plus belle, du moins plus chaleureuse, plus vibrante encore.

L’entreprise de Charles Lamoureux, que la mort a empêché, on le sait, d’étendre, sur une scène spéciale, à l’ensemble de l’œuvre wagnérienne, n’a pas eu de seconde à l’Opéra directement,