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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS.

reparaître. Dans la salle, depuis l’ovation jaillie de tous les rangs à la conclusion du prélude, l’exécution entière fut soulignée d’applaudissements enthousiastes. D’abord, pour la seconde fois, Lamoureux était au pupitre ; et l’on tenait à lui témoigner ainsi la sympathie pour les déboires passés comme la joie du triomphe présent. Puis, vraiment, la vie qu’il avait su insuffler aux chœurs et à l’orchestre était chose si nouvelle ! Sur la scène, chacun semblait avoir tellement à tâche de se montrer digne de l’œuvre radieuse qu’il devait défendre ! Peu de soirées furent aussi belles : peu vibrèrent en quelque sorte aussi harmonieusement de cet échange d’impressions, entre les interprètes et le public, sans lequel il n’est pas d’effet absolu.

Cette vibration, si favorable à certains artistes, nul ne la créait plus chaleureuse que Van Dyck, dont cette soirée consacrait bien aussi la revanche, et qui, comme l’écrivit un critique pourtant difficile, « tenait positivement l’auditoire suspendu à ses lèvres ». Aussi bien son nouveau Lohengrin était-il comme l’épreuve définitive de l’essai précédent, — et telle, que Mme Wagner ne devait pas hésiter à lui faire créer le rôle à Bayreuth même (en 1894). À l’époque où nous sommes, il avait bien des fois déjà évoqué ce héros chevaleresque à Vienne et sur les principales scènes de Hollande. À Paris, on s’éprit tout de suite de sa « ferveur mystique », de la noblesse, l’ « élévation surhumaine » de tout son personnage, dont l’expression, l’attitude, le geste, semblaient l’émanation d’une essence supérieure. Le succès de l’œuvre fut si éclatant, que les adversaires résolus de Wagner l’imputaient à cet interprète irrésistible et prédisaient que son départ le ferait éteindre.