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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS.

nier acte, s’agenouillait pour une prière suprême, s’éloignait lentement sous le regard désolé de Wolfram, on sentait qu’elle n’appartenait plus à la terre. Sa voix, d’autre part, se modelait sur cette évolution expressive avec les nuances les plus prenantes, les plus délicates inflexions.

Lucienne Bréval, par son récent triomphe de la Valkyrie, si peu de temps après sa sortie du Conservatoire (1890) était comme nimbée d’une jeune gloire qui relevait tout ce qu’elle jouait. Vénus cependant parut lui convenir assez peu. Aussi bien faut-il à l’interprète de ce rôle secondaire une ampleur et une autorité dont on ne semble pas, en général, s’être rendu compte. Louise Grandjean, cependant, y a laissé un bon souvenir, et surtout Felia Litvinne, qui a eu grandement raison de ne pas le juger indigne d’elle.

Élisabeth a tenté un si grand nombre d’artistes qu’il serait abusif de s’arrêter à chacune. Des dons de jeunesse et de grâce nous retiendraient chez presque toutes, et plus d’une y joignait un style très pur. On ne saurait oublier combien l’harmonie de ces qualités rendait séduisante Aïno Ackté, par exemple, dont l’aspect virginal ajoutait en vérité humaine à l’instinct des attitudes et dont la voix cristalline dominait si naturellement, par son contraste même, le tumulte général qui bientôt cédait devant elle. La finesse charmante de Mlle  Hatto, l’élan superbe de Mlle  Chenal, la simplicité, la douceur, de Mlle  Demougeot (pour ne nommer que celles qui ont joué le rôle avec quelque suite)… retiennent particulièrement la mémoire.

On compterait moins de Tannhaeuser et de Wolfram vraiment dignes de leur tâche redoutable. Le plus intéressant Tannhaeuser,