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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

toute particulière. Tannhaeuser ne revit donc la rampe, et n’eut sa troisième représentation, à l’Opéra, que le 13 mai 1895.

Il paraîtrait que cette attente n’était pas un mauvais calcul, car, une fois de plus, l’inspiration qui pénètre et vivifie ce drame fut d’abord peu comprise. Les exaltés qualifiaient de « recul » la représentation d’une œuvre pas assez « avancée » à leur goût ; et les snobs, déçus, la déclaraient froide, pour n’y avoir trouvé que des beautés de grandeur et de vérité simples. Le troisième acte, en particulier, d’une profondeur et d’une pureté si émouvantes, ne fut pleinement goûté que lorsqu’il eut pour auditeur un public sans parti pris ni prétention critique.

Avec quelle supériorité pourtant n’était-il pas exécuté !

Toute l’interprétation, au surplus, est une des plus admirables qu’aucune œuvre de Wagner ait trouvée à l’Opéra. Elle réunissait les cinq artistes qui ont consacré le plus particulièrement leur talent à l’établissement du répertoire wagnérien sur notre première scène : Ernest Van Dyck, Maurice Renaud, Jean Delmas, Mme  Rose Caron et Lucienne Bréval.

J’ai déjà dit comment Van Dyck avait pris rang à l’école de Lamoureux, à la tête de nos chanteurs de concert, et quelle irrésistible action il exerçait sur le public. À l’époque où nous sommes ici, son apprentissage théâtral était achevé depuis longtemps. Après le Lohengrin de 1887, où sa jeune carrière semblait buter dès le premier pas, il avait été engagé à la fois à Bayreuth et à Vienne. Dans la cité de Wagner, il avait remporté, sous L’armure de Parsifal, des succès extraordinaires ; à l’Opéra de Vienne, il avait chanté Lohengrin et Roméo, Armide et Faust, créé Manon et Werther. Il avait triomphé, d’autre part, à