Page:Curzon - L’Œuvre de Richard Wagner à Paris et ses interprètes, Sénart.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER AU CONCERT

d’été, depuis longtemps disparues…, comme notre jeunesse…, il semblait qu’on entrât dans un sanctuaire. Malheur aux frivoles et aux distraits qui croyaient permis de causer ou de quitter sa place ! Charles Lamoureux les foudroyait du regard. Et que de fois il a tout arrangé, tout fait recommencer… Les coupables eussent voulu rentrer sous terre ! Mais aussi quels enthousiasmes après ces magistrales exécutions ! De quel feu sacré ne nous pénétrait-il pas, cet orchestre chaleureux et vivant ! On sortait de là comme tonifié pour la semaine.

Notez qu’à cette époque heureuse il n’y avait pour ainsi dire plus de lutte à soutenir : l’audacieux Pasdeloup avait aplani la route. Ou plutôt, entre les différents concerts, on luttait de perfection dans le rendu. La lutte n’est revenue, et encore pas bien longtemps, que lorsque le concert a fait place au théâtre, les fragments aux œuvres intégrales, — et que des gens qui, d’ailleurs, n’allaient pas plus au théâtre qu’au concert, ont prétendu empêcher le public d’entendre ce que bon lui semblait. — Fermeront-ils aussi nos musées, de peur que nous n’admirions telle école dont la nationalité les choque ?

Certains esprits, sérieux pourtant, soutenaient que nous faisions le jeu de l’Allemagne ! Oui, nous en savons qui traitaient de « victoire » allemande l’arrivée (si tardive !) de Wagner à l’Opéra. Comment ne voyaient-ils pas que c’est eux-mêmes qui le faisaient, ce jeu, en prenant au sérieux le bluff coutumier et lourdement naïf de nos ennemis ? Ne savent-ils pas bien que ce bluff est partout, même là où il est le plus inutile du monde ? — Car enfin, il s’agit ici de tels chefs-d’œuvre que la moindre « réclame » est presque une insulte au goût. — Si les opulents