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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS.

C. — Siegfried (1876).

Une mise en scène très réussie n’avait pas été inutile au premier effet de la Valkyrie sur le public. La chevauchée du troisième acte, en particulier, que rendaient réalisable, presque au naturel, les vastes espaces de la scène de l’Opéra, avait paru des plus adroitement évoquée. Siegfried offrait aussi ses difficultés et ses attractions : le « ver » monstrueux, Fafner, ou l’ascension de Siegfried vers Brunnhilde endormie… Leur réalisation satisfit les plus difficiles. Mais c’est l’exécution musicale qui compte surtout, et elle fut vraiment remarquable, sous la direction attentive et vivante de Taffanel

Cette fois, Jean de Reszke était revenu d’Amérique tout exprès pour ce rôle qui l’avait toujours particulièrement séduit et qu’il possédait depuis longtemps. Ce n’est pas qu’il en réalisât complètement le caractère. La maturité de son talent était moins faite pour la force sans contrainte et la fougue désordonnée, essentielle au personnage, que pour la grâce adorable, la finesse, le charme, la poésie… qu’évoque constamment aussi cette musique et qui ne sont pas moins essentielles. En sorte que si les chants de la forge, au premier acte, paraissaient un peu froids et la scène du réveil de Brunnhilde un peu dépourvue de passion, les rêveries dans la forêt, en revanche, étaient délicieuses avec lui, d’un sentiment pénétrant, d’un goût incomparable ; et les scènes suivantes, sa victoire sur Fafner, sa victoire sur Wotan, brillaient d’un éclat jeune et enthousiaste vraiment surprenant. En somme, un jeu libre, alerte, naturel, et une diction juste, nette, souverainement adroite, ce sont là qualités qui n’avaient