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L’ANNEAU DU NIBELUNG.

B. — La Valkyrie (1870).

La Valkyrie, au contraire, n’a presque pas quitté la scène pendant les vingt et un ans qui se sont écoulés depuis le 12 mai 1893, où elle y est montée, et 69 représentations, en moins de deux ans, montrent assez l’attrait qu’elle exerçait.

Il était considérable, à l’avance. Les concerts y avaient préparé : le public apportait une curiosité extrême, qu’une exécution excellente, sous la conduite d’Édouard Colonne, une interprétation jeune et vibrante, une mise en scène très réussie, satisfirent largement. La seule critique sérieuse porta sur les coupures, trop légèrement pratiquées, au second acte particulièrement. On fut plus respectueux par la suite.

Une autre porta sur la traduction de Victor Wilder, qui ne manquait pas non plus de sans-gêne avec le texte. Il est probable qu’on n’y aurait guère fait attention si justement, chacun des interprètes n’avait donné des soins particuliers à bien articuler. L’exemple venait de Van Dyck, naturellement. Cette fois les intransigeants du texte lui en voulurent presque, de si bien prononcer ! Quelle profonde incarnation du personnage ne donnait-il pas ? Comme on sentait bien, avec lui, que le malheureux Siegmund est le jouet d’une destinée qu’il ignore ! Quelle joie de vivre et d’aimer, quel enthousiasme, chez le fils de Wotan, que ce dieu borné sacrifie si délibérément et comme par dépit de son erreur ! Un critique peu suspect de wagnérisme, Heugel, résumait son jugement par ces mots : « Van Dick ne sacrifie rien à son succès personnel et interprète l’œuvre pour elle-même. C’est un artiste qui ne trahit pas. » Jamais mot ne fut plus exact. La fran-