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L’ANNEAU DU NIBELUNG.

étroite, cette union intime du chant et de l’orchestre, qui met sans cesse l’acteur et le chanteur à sa véritable place dans l’ensemble sonore, au centre de la musique et de l’œuvre », seul un artiste comme celui-ci pouvait l’évoquer. Et M. Pierre Lalo que je cite ici, a trouvé un mot particulièrement heureux pour expliquer ce qu’une pareille interprétation offrait de créateur : « Avec une connaissance profonde du contenu poétique et musical de l’œuvre, M. Van Dyck sait qu’à telles paroles, qu’à tel détail mélodique de son rôle répond dans l’orchestre tel thème, tel dessin instrumental : il les appelle, il les fait jaillir par la vie intense de sa diction et de son accent. »

Et quel relief prenait ce langage incisif, qui menait tout le drame, qui secouait en quelque sorte à son gré la passivité des autres personnages ! On ne peut, sans un frémissement intime retrouver dans le souvenir la façon dont il lançait ce mot, symbolique de toute la tétralogie et fatal conseil où se prévoit déjà le crépuscule de ces dieux : « Le vol ! » — Tranchant comme un coup de hache, il semblait, dans le soudain arrêt, le brusque silence de tout l’orchestre, glacer jusqu’au fond de l’âme.

Oui, succédant de près au Siegfried du Crépuscule des Dieux, le Loge de l’Or du Rhin aura été le couronnement de la carrière d’Ernest Van Dyck à l’Opéra. Il surprit, après tant de purs et nobles héros. Mais un tel contraste, si violent soit-il, c’est précisément la beauté spéciale d’une interprétation intuitive comme celle dont Van Dyck a donné constamment l’exemple. Elle a pour bases « l’autorité de diction et le sens de l’action que Wagner déclarait qualités nécessaires entre toutes ». Je cite cette fois Fourcaud, qui s’y connaissait mieux que pas un, — et qui