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mis les loups au harnais et, pressant la conduite du traîneau, il était parti vers le Nord, droit à travers le Barren. Il ne restait plus qu’à l’y suivre.

Philip, ayant ramassé du bois, fit cuire de la nourriture pour six jours. Pendant trois jours, il suivrait Bram sur ce morne espace, inconnu des cartes même : le Grand Barren. Il n’y avait pas à songer à aller plus loin sans l’aide d’un traîneau. Trois jours pour aller, trois autres pour revenir. Même en bornant là son expédition, il jouerait un jeu émouvant avec la mort. Une menace, pire que celle de Bram, demeurerait suspendue sur sa tête, celle de la tourmente.

Au moment où il se mit en route vers le Nord, en repérant son orientation avec l’aiguille de sa boussole, son cœur sombra quelque peu. Le jour était gris et sans soleil. À perte de vue devant lui, le Barren étendait sa nappe blanche, dont la ligne se confondait avec celle de l’horizon, où traînait une sorte de lueur pourprée. Au bout d’une heure de marche, Philip était entièrement encerclé par la mélancolie et le calme de la mort. Derrière lui, la mince et sombre lisière de la forêt avait disparu. Le ciel pesait sur sa tête comme une chape de plomb, de plus en plus large et lourde, à mesure qu’il avançait. Sous cette prison mouvante, il savait que d’autres hommes avant lui étaient devenus fous.