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Quant à l’expression du visage, elle était celle d’un être qui chasse à la fois et se sent chassé, d’une créature mi-bête, mi-homme. Plus jamais, désormais, Philip n’oublierait ce qu’il y avait, dans cette face, de brutal et de convulsif, de désespérance dans cette âme isolée du reste de l’humanité, de flamme ardente et inquiète dans ce regard.

Le temps d’agir était arrivé. Les doigts de Philip étreignirent plus étroitement la crosse de son revolver, et il s’avança de quelques pas, hors de l’ombre.

Bram, à ce moment, aurait pu le voir, s’il n’avait soudain rejeté sa grosse tête en arrière, pour une clameur caverneuse qu’il fit jaillir vers le ciel, de sa gorge et de sa poitrine. Ce fut d’abord un roulement de tonnerre, puis cela s’acheva en un gémissement aigu et plaintif, qui dut porter à plusieurs milles sur la plaine rase. Jamais Philip n’avait entendu homme ou animal proférer semblable cri. Et c’était l’appel du maître à sa meute, celui de l’homme-bête à ses frères.

Soudain le cri s’arrêta court et s’éteignit, en s’étouffant comme fait le sifflement d’une sirène de navire. Peut-être un super-instinct avait-il brusquement averti Bram Johnson qu’un danger inconnu le menaçait. Toujours est-il qu’avant même que Philip eût ajusté à l’action l’émotive