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la main de Célie et l’avait prise dans la sienne.

Dans le silence, ils entendirent d’abord comme un murmure. Un murmure sourd et lointain qui, comme une chose vivante, du bout du monde semblait ramper. Un murmure qui grandissait, d’instant en instant, et qui bientôt parut si vaste qu’il emplissait le ciel et la terre. C’était une plainte infinie, une lamentation déchirante. Elle s’enflait encore, lorsque le premier coup de vent passa au-dessus de la cabane.

Oh ! ces tempêtes dans le Barren ! Nulle part sur le globe il n’en est d’autres qui leur ressemblent. En aucun lieu le tumulte de la tourmente n’est empli ainsi de voix humaines.

Philip en avait, maintes fois, connu l’épouvante. Il avait entendu déjà ces gémissements aigus, tels que l’on dirait que dix mille petits enfants pleurent et grincent des dents, dans les nuages qui roulent. Il avait entendu les ténèbres s’emplir d’une armée de fous, riant et hurlant, en un charivari de démence, et ces clameurs d’hommes invisibles, ces sanglots stridents de femmes désespérées. Il y a des gens qui en avaient perdu la raison. Durant la longue nuit hivernale, lorsque le soleil a disparu pour cinq mois, le cerveau des petits Esquimaux eux-mêmes bat la campagne, et ils se massacrent les uns les autres, en proie à la folie que leur apporte la tempête.