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Ah ! si la couverture d’un livre pouvait enclore le récit de l’existence qui fut la sienne, si ses pages pouvaient exprimer toute l’horreur qu’il endura, pendant les quatre ou cinq ans qui suivirent, sans doute lui serait-il beaucoup pardonné. Bram et ses loups ! Cet accouplement de mots ne suffit-il pas à donner le frisson ? Seul, songez donc ! Seul avec eux. Jamais une voix pour lui parler. Ne jamais pouvoir s’approcher d’un poste quelconque, pour s’y procurer des vivres. Un frère de loups, un homme-bête. Un loup-garou[1].

Au bout de trois ans écoulés, tout ce qui pouvait encore demeurer du chien-loup, parmi ses loups, avait disparu. Il n’y avait plus là que des loups sauvages, le loup intégral. Bram avait soigneusement trié les portées et gardé seulement vingt des louveteaux les plus purs, qui étaient devenus des bêtes superbes et monstrueuses. Il avait dû tuer ceux des jeunes loups dont il ne voulait pas, car ils avaient refusé de lui la liberté. Instinctivement, ils reconnaissaient en lui la « sur-bête » et s’étaient faits ses esclaves.

Lui-même s’était penché vers eux, comme ils s’étaient penchés vers lui, et lui aussi les aimait. Ils lui tenaient lieu de famille, de frères, de sœurs, d’épouse et de toute la création. Avec

  1. En français dans le texte. (Note des Traducteurs.)