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l’en faire mourir. Venez déjeuner avec nous ! »

Il posa sur une assiette d’étain une portion de pommes de terre fumantes, accompagnées de petites galettes d’avoine et de riz, qu’il avait cuites avant de se mettre en marche sur le Barren, et plaça le tout devant la jeune femme. Il prépara ensuite une seconde assiette pour Bram et, pour lui, une troisième.

Bram demeurait toujours immobile, avec son seau et son poisson. Tout à coup, il posa l’un et l’autre à terre, avec un grognement issu des profondeurs de sa poitrine, et s’en vint à la table. Sa main formidable s’abaissa sur le bras de Philip et, comme un étau inquiétant, l’étreignit, au point de presque briser l’os. Il regarda la jeune femme. Puis, lâchant Philip et le rejetant en arrière, d’un geste violent, il poussa devant elle les deux autres assiettes.

« Vous, mangez le poisson, m’sieu ! » dit-il.

On eût dit, à l’entendre s’exprimer ainsi, qu’il n’avait jamais été fou. Éclair rapide de raison, qui s’évanouissait, un instant après, dans le rire dément et sonore, dont toute la cabane tremblait et auquel répondit, du dehors, le cri sauvage des loups.

Philip avait eu grand-peine à conserver son sérieux devant cet accès de galanterie. Une pointe de triomphe brillait dans les yeux de la jeune femme. Bram avait toujours été bon pour