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cesser de toucher du museau le flanc de son guide, elle partit avec lui, sous les sapins.

Le premier fossé un peu profond qu’il fallut franchir l’arrêta et de son impuissance, plus encore, Kazan se rendit compte. Vainement il l’invitait à s’élancer et à sauter avec lui. Elle pleurnichait, et vingt fois se coucha sur le sol, avant d’oser le bond nécessaire. Elle le risqua enfin, d’un saut raide et sans souplesse, et s’abattit lourdement près de Kazan. Et moins que jamais, après cela, elle s’éloigna de lui, si peu que ce fût. Elle sentait que pour être en sûreté, son flanc ne devait plus quitter le flanc de son compagnon, ni son museau son épaule.

Ils firent ainsi un demi-mille. Louve Grise, qui apprenait à marcher dans sa cécité, chancelait et tombait à tout moment. Un lapin chaussé de neige étant apparu dans le crépuscule, Kazan courut à sa poursuite et, instinctivement, après avoir effectué une vingtaine de bonds, regarda en arrière si Louve Grise le suivait. Elle était demeurée immobile, comme figée sur ses pattes, Il abandonna le lapin et revint vers elle.

Ensemble ils passèrent la nuit dans un fourré et, le lendemain seulement, Kazan, y laissant Louve Grise, alla rendre visite à la cabane. Il y trouva la jeune femme et son mari, qui s’aperçurent aussitôt des blessures, mal cicatrisées, qu’il portait aux épaules et aux flancs.

— Ce ne peut être qu’avec un ours ou un lynx qu’il s’est battu, remarqua l’homme. Un loup ne lui aurait point fait de pareilles blessures.

Ces blessures, Jeanne les pansa de sa main douce. Tout en parlant à Kazan, elle les lava à l’eau tiède, les oignit d’une salutaire pommade, et Kazan en éprouva un bien-être délicieux. Une demi-heure durant, il se reposa sur le pan de la robe de la jeune