tout titubants derrière elle, sa première sortie hors de la tanière.
Les trois petites boules velues tombaient et trébuchaient à chaque pas, et se tassaient contre elle, aussi empotées de leurs mouvements que le bébé de la cabane. Kazan les observait avec curiosité. Il les entendait émettre les mêmes sons inarticulés et doux, les mêmes pleurnichements, et il les regardait comme faisait l’enfant de Jeanne sur ses deux petites jambes, s’en aller tout de travers sur leurs quatre pattes molles. Spectacle qui le remplissait d’une joie infinie.
Lorsque la lune fut au zénith et que la nuit fut presque devenue l’égale du jour, Kazan s’arracha à la contemplation de sa progéniture et, dégringolant du rocher, partit en chasse.
Il rencontra, dès l’abord, un gros lapin blanc, qui se sauva entre ses pattes. Durant un demi-mille, il le poursuivit sans pouvoir le rejoindre. Il comprit qu’il était plus sage d’abandonner la partie. Il aurait, en effet, lassé à la course un renne ou un caribou, qui vont devant eux en ouvrant une large piste, facile à suivre. Il n’en est pas de même pour le petit gibier, qui se glisse sous les taillis et parmi les fourrés, et qu’un simple renard est plus apte à atteindre qu’un loup.
Il continua donc à battre la forêt, en furetant silencieusement, à pas de velours, et il eut la chance de tomber à l’improviste sur un autre lapin blanc, qui ne l’avait pas entendu. Un bond rapide, puis un second mirent dans sa gueule le souper escompté de Louve Grise.
Kazan s’en revint en trottinant, tout tranquillement, déposant de temps à autre sur le soi, pour se reposer les mâchoires, le lapin botté de neige[1] qui pesait bien sept livres.
- ↑ Surnom donné couramment, au Canada, aux lapina blancs.