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feuillage des fosses invisibles et traîtresses, et sur les pièges d’acier, l’éternel instinct du Wilderness était dans ses veines et lui enseignait qu’il y avait péril à toucher aux chairs mortes, lorsqu’elles étaient devenues froides.

Kazan, au contraire, était mieux renseigné qu’elle. Il avait côtoyé, avec ses maîtres, maintes vieilles carcasses inoffensives, en même temps qu’il les avait vus disposer leurs pièges et rouler de petites capsules de strychnine dans les boyaux de bêtes mortes, qui servaient d’appât. Une fois, même, il s’était, par mégarde, laissé happer la patte par une trappe et il en avait ressenti l’étreinte cuisante. Mais il savait que nul homme n’était venu ici depuis la veille et il invitait Louve Grise, demeurée sur le bord du lac, à s’aventurer avec lui parmi les gros blocs de glace entassés.[1]

Elle se décida à l’accompagner. Mais elle était dans un tel état d’agitation qu’elle en culbuta lourdement sur le derrière, tandis que Kazan creusait avec ses pattes, dans la neige fraîche, afin d’en extraire les débris du caribou, qui s’y étaient bien conservés. Elle refusa obstinément d’y toucher et Kazan, finalement, ne réussissant pas à la décider, prit peur lui aussi et agit comme elle.

Ils se dirent bien d’autres choses durant les jours et les nuits qui suivirent. Au cours de la troisième nuit, Kazan, lançant son appel, réunit autour de lui la même horde et prit la direction de la chasse. Trois fois il en fut de même durant le mois, avant que la lune décroissante eût quitté les cieux. Et, chaque fois, il y eut une proie. Puis il chassa dans la seule compagnie de Louve Grise, qui était pour lui une

  1. Ces blocs, les hummocks, proviennent de la pression de la glace sur elle-même, lorsque se congèle l’eau des lacs.